Entre les plis des drapeaux de fierté et des photos de famille

Une photo qui vaut mille questions

Il y a une photo sur ma commode — ma mère dans un chapeau de pape, majestueuse et posée, le genre de femme qui repassait votre uniforme scolaire et votre avenir dans le même souffle. Mon frère souriant à côté d'elle, essayant déjà la virilité. Et moi. Plus jeune, plus doux, apprenant encore à contenir tout moi-même dans un seul corps.

Elle a été prise à Scarborough, mais l'esprit de la photo vit quelque part entre Spanish Town et Eglinton East. Entre les sermons du dimanche et le dancehall du samedi. Entre les prières en patois murmurées au-dessus de la soupe et la question silencieuse et brûlante de savoir si être différent signifiait être éloigné de l'amour.

Dans cette photo, je vois une famille faisant de son mieux avec le scénario qui lui a été donné. Et je me vois — l'enfant réécrivant lentement ce scénario.

Vivre dans l'Entre-deux

Être noir et queer au Canada — surtout avec des racines caribéennes ou jamaïcaines — ressemble parfois à vivre dans l'entre-deux. Entre acceptation et présomption. Entre célébration et silence. Entre les valeurs avec lesquelles vous avez été élevé et les vérités que vous avez fini par revendiquer. Entre la famille dans laquelle nous naissons et celles que nous bâtissons lorsque le sang nous déçoit.

La douleur des choses non dites

Il y a une sorte de douleur qui vit dans ces espaces. Une douleur qui s'aiguise pendant les vacances. Qui tiraille tranquillement pendant la fierté. Qui persiste dans le silence après un rassemblement familial, lorsque votre queerité a été soit poliment ignorée, soit maladroitement moquée. Elle refait surface dans des moments où vous souhaiteriez que quelqu'un ait applaudi plus fort lorsque vous êtes sorti — ou vous ait tenu plus fermement quand vous n'aviez pas encore les mots.

Trouver la beauté dans l'entre-deux

Mais il y a aussi de la beauté dans l'entre-deux. C'est là que nous tissons ensemble de nouvelles définitions de la famille. Où un cousin choisi vous envoie des notes vocales en patois vous rappelant que votre queerité est sacrée. Où un ami vous garde une assiette et vos pronoms dans le même souffle. C'est là que la joie devient un acte délibéré, pas passif — non pas en dépit de vos intersections, mais à cause de celles-ci.

À quoi ressemble la joie enracinée

Chez Black Queer Canada, nous appelons cette joie enracinée. C'est celle que vous créez vous-même — à partir de pronoms empruntés et d'espoir transmis. À partir de notes vocales de fin de nuit, de livraisons de soupe du dimanche, et de tantes choisies qui apparaissent avec de l'huile de coco et de l'affirmation. À partir des spectacles de drag, des pistes de danse, des costumes de carnaval, et des textos discrets qui disent "Je te vois" quand personne d'autre ne le fait.

Un endroit où atterrir

Cet espace n'est pas juste un réseau. C'est une bouée de sauvetage. Un endroit doux où atterrir lorsque le monde semble rugueux. Un miroir qui vous reflète totalement — non pas en fragments, mais en entier.

Tout ce que vous êtes est le bienvenu

Votre douceur a sa place ici. Votre éclat aussi. Vos questions, vos contradictions, votre devenir. Tout vous.

Nous ne nous contentons pas de survivre ici. Nous prospérons — forts, stratifiés, et en couleur.

Alors, si vous vous êtes déjà senti coincé entre drapeaux et photos de famille, sachez ceci : il y a une place pour vous, exactement tel que vous êtes.

Et nous vous gardons une place — juste à côté du curry de chèvre et du callaloo, juste après la playlist qui connaît à la fois le dancehall et l'évangile.